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Bona annada !

« Dans le monde entier, l’année précédente s'est terminée et la nouvelle a commencé, plus que jamais, dans la violence, l'injustice et des régressions démocratiques. En France nous sommes dans une confusion et une instabilité politiques qui portent du tort à l'économie, à la confiance dans les institutions et à la cohésion sociale.

Les langues dites régionales souffrent aussi de ce contexte avec par exemple pour l'enseignement la valse des ministres. La loi de 2021 relative à la Protection patrimoniale des langues régionales n'est pas appliquée. L'offre ne progresse guère alors que l'article 7 de la loi stipule que le « but » est de « proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves ». Nous en sommes bien loin ! Aucune convention pour l'occitan n'a été signée avec les régions concernées. Le ministère de l’Éducation traîne des pieds tant qu'il peut.

L'interdiction d'employer normalement les langues de France autres que le français dans la vie publique spécialement pour les collectivités territoriales a été confirmée plus d'une fois par des tribunaux et préfets qui s'appuient sur l’interprétation plus idéologique et linguicide que juridique de l'article 2 de la constitution par le Conseil constitutionnel. Le petit Artús de Gavaldan n'a pas le droit d'avoir un accent sur son nom mais un valeureux avocat a décidé de porter l'affaire le plus haut possible.

D'un autre côté, un petit historique des déclarations du président de la République sur le sujet des langues régionales est utile.
Dans sa campagne de 2017 il répondait aux questions que nous lui posions en disant qu'il était pour une loi, que l'intérêt éducatif de l'apprentissage des langues régionales était reconnu, que « Le respect et la valorisation de sa propre diversité linguistique permettront à la France au plan international de mieux faire respecter celle du monde et ainsi contribueront à son retentissement international ». Là, il parlait comme nous ! En 2021 pendant la crise provoquée par la censure de la loi, il parle de « trésor national », peut-être conseillé par son premier ministre de l'époque. En 2023, pour l'inauguration du mausolée de la langue française à Villers-Cotterêts il a affirmé : « C'est pourquoi je veux que nos langues régionales soient encore mieux enseignées et préservées, qu'elles trouvent leur place dans l’espace public » et il a ajouté à propos de la langue française : « Surtout elle peut, elle doit cohabiter harmonieusement avec nos 72 langues régionales… » Espérons-le ! En revanche le 14 novembre dernier à l'Académie française il a opposé la langue française « fabrique de la nation » à « ses langues vernaculaires, ses patois, ses différentes langues régionales, instrument, au fond, de division de la nation ». Quel mépris ! Quelle contradiction avec ses déclarations précédentes ! Quelle erreur ! Les langues régionales n'ont jamais été un instrument de division. Ce n'est sûrement pas le même conseiller, la même « plume » comme on dit, qui a préparé les déclarations de 2017, 2021, 2023 et 2024 ! Le dernier semblerait s'être inspiré de l'abbé Grégoire !

Dans ce contexte difficile, les associations, le CIRDOC, l'OPLO, avec le soutien d'élus et de collectivités font cependant leur travail, mais les contraintes budgétaires sont plus fortes. Le Congrès s’est développé et a entrepris, grâce au POCTEFA, d'améliorer les outils numériques, comme Votz et Revirada, et d’en créer de nouveaux. Dans le cadre du Contrat de Plan État-Région (CPER) il a démarré des chantiers ambitieux pour valoriser la toponymie et pour la lexicographie avec le Dictionnaire général informatisé de la langue occitane. Ces travaux vont demander bien du temps et de l’énergie pour les années à venir. Je tiens à remercier l'équipe de permanents et tous les conseillers et bénévoles qui aident.

Quelques bourgeons d'espoir donneront peut-être des rameaux fructueux si « l'ivern gelat », comme disaient les troubadours, ne les grille pas avant « lo polit mes de mai ».

  • Nous avons un premier ministre pour lequel, s’il ne se tombe pas rapidement comme le précédent, nous pouvons espérer qu'il se souciera de notre langue si nous regardons ses prises de position sur le sujet et ce qu’il a fait quand il était ministre de l'Éducation, président du « Parlement de Navarre » et maintenant maire de Pau. Certains peuvent faire la moue mais il faut rappeler par exemple qu'il a reconnu l'enseignement associatif, qu’il s’est rendu à Toulouse le 4 juillet 1994 pour la signature de la première convention rectorat région pour la promotion de la langue et de la culture occitanes et qu'il a pris l'initiative de la circulaire de 1995. Tout cela a conduit à des avancées.

  • La journée Quelles politiques pour nos langues ? à l'initiative de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France » du ministère de la Culture le 6 décembre à l'Institut de France est un événement sans précédent. Il rassemblait pour la première fois des protecteurs de la langue française menacée par la « cocacolonisation » et des langues de France en grand danger. Deux rapporteurs de loi sur le sujet étaient présents, Toubon et Molac et d'autres intervenants très clairs comme Bernard Cerquiglini, Véronique Bertille, Michel Launay, Christian Lagarde. À noter l'excellent travail de présentation, de modération et de synthèse du Délégué général à la langue française et aux langues de France. Un bémol néanmoins… Il y avait bien des académiciens, des sénateurs, des députés mais personne du ministère de l'Éducation nationale !

  • L'académicien Amin Malouf, secrétaire perpétuel de l'Académie française a reçu le collectif Pour les littératures en langues régionales à l’École le 18 décembre dernier. Il a affirmé son soutien aux langues régionales, « une cause noble et nécessaire », et qu'il allait aider le collectif pour qu'il soit entendu par le Conseil Supérieur des programmes, l'Inspection générale et des responsables politiques. Espérons-le ! 

  • Le recteur de l'académie de Corse, Rémi-François Paolini, a présenté ses vœux pour le nouvel an aux personnels, aux élèves et aux partenaires de son académie en langue corse… Si, si, c'est vrai ! C'est une première ! Personne n'a encore osé dénoncer le recteur devant le tribunal administratif ! C'est vrai qu'en Corse la langue corse est déjà proposée à tous les élèves. Il ne reste plus qu'à demander l'égalité républicaine de traitement ou le rattachement à la Corse.

Bonne année ! »

Gilbert Mercadier,

président du Congrès permanent de la lenga occitana