Origine du projet
L’idée du Basic – lexique français-occitan pour l'ensemble de la langue, intégré aujourd'hui au dicod'Òc, est née d'un objectif, d'un des principes du Congrès et de plusieurs constatations sociolinguistiques.
Un des objectifs, un des principes du Congrès est de contribuer à conforter l'unité de l’occitan et la conscience de cette unité en respectant sa diversité.
Les constatations sont :
- autrefois Mistral, Piat et d'autres ont pris en compte l'ensemble de la langue, mais presque tous les lexiques et dictionnaires modernes en graphie classique sont dialectaux ou dans un standard qui, de fait, ne peut être accepté partout.
- ceux qui apprennent la langue le font donc, essentiellement, avec des lexiques et des dictionnaires qui ne leur montrent qu'une partie de la langue, celle de leur grande « zone dialectale », ce qui ne conforte pas la conscience de l'unité. Au contraire, cela peut porter certains à croire qu'il y a plus d'une langue et que l’occitan n'est pas la leur.
- trop de monde dit encore « nous, nous ne parlons pas l’occitan, nous parlons cela ou cela » ou « nous, nous disons ainsi » comme si cela ne se disait pas, ne pouvait pas se dire ailleurs, alors que, souvent, cela se trouve aux quatre coins de l'Occitanie.
- on cultive les différences et on ne valorise pas assez les convergences.
Valoriser l'unité dans la diversité
Le Basic est un lexique qui a été conçu avec une âme centripète, pour valoriser l'unité dans la diversité, montrer ce qui est commun, ce qui se ressemble et qui, sous le manteau changeant de la prononciation, d'une évolution ou d'une graphie différente, vient bien de la même souche. Il montre également ce qui est spécifique, emblématique de telle ou telle grande variante et qui est un critère d'adhésion.
et faciliter l'intercompréhension entre variantes."
Tous ceux qui ont participé à ce travail ont souvent été étonnés de voir qu'ils trouvaient des similitudes là où ils ne les attendaient pas.
Le Basic, en plus de favoriser la conscience de l'unité de la langue, doit permettre de relativiser la variation et surtout de faciliter l'intercompréhension entre variantes, l'ouverture à l'ensemble de l'occitan qui fait souvent défaut.
Dans le passé, la variation posait peut-être moins de problèmes pour les locuteurs. Elle leur était familière, plus connue qu'elle ne l'est pour les locuteurs et apprenants d'aujourd'hui qui utilisent essentiellement le français. La langue occitane sert souvent à se différencier, et il existe une tendance à appuyer d'avantage sur les différences que sur les ressemblances. Il faut des outils modernes qui prennent en compte l'ensemble de la langue et de ses variantes. Un lexique en ligne peut en faire partie dans l'attente du grand dictionnaire général de la langue dont nous avons besoin, et dont le Congrès et son Conseil linguistique ont décidé et ouvert la création.
n'a pas été facile."
Créer le Basic avec ces objectifs n'a pas été facile, parce que curieusement, la variation a été beaucoup plus étudiée que ce qui est commun, à ce qui semble. Pas facile non plus de régler le curseur pour choisir ce qui est commun, ce qui se ressemble, ce qui est spécifique et qu'il faut conserver.
- S’il est trop haut, le curseur écrase des variations auxquelles les gens sont sensibles. S'ils ne se reconnaissent pas assez dans ce qui leur est proposé, il n'y a pas d'adhésion, et sans adhésion il n'y a pas d'avenir. Si la distance est trop grande, cela peut mener à un refus, une répulsion, même de ce qui est proposé.
- Si le curseur est trop bas, il donne la priorité à la variation, alors ce qui est commun, ce qui se ressemble ne se voit pas assez.
Pourquoi une version provisoire ?
Quand nous avons commencé, nous n'avons pas pris l'entière mesure de tout le travail que demandait le Basic si nous voulions traiter en une fois l'ensemble de la langue. Nous avons compris, en faisant le cahier des charges et les premiers essais avec un échantillon de mots, que ce serait long. Nous avons vu que nous ne pouvions nous appuyer, curieusement, sur presque aucune étude préalable sur le sujet du vocabulaire commun. Il nous fallait retourner aux sources que sont les dictionnaires, les atlas linguistiques. Le multidictionnaire et la base lexicale du Congrès nous ont fait gagner beaucoup de temps.
Il nous fallait aussi mobiliser la connaissance de la langue d'aujourd'hui qu'avait l'équipe, à commencer par ses directeurs scientifiques. Il fallait néanmoins se méfier de la tendance centrifuge de certaines sources à donner la priorité à ce qui est très spécifique, localisé, alors qu'au contraire, nous cherchions avant tout s'il y avait quelque chose de commun et les ressemblances. Il fallait également se méfier des acceptions qui peuvent changer d'une variante à l'autre.
partiel et provisoire, pour deux grandes variantes"
Si nous avons été pour le moment dans l'obligation de nous limiter à un lexique occitan du Languedoc et de la Gascogne, au sens géographique, historique et linguistique, c'est pour plusieurs raisons :
- c'est là qu'il y a le plus d'élèves qui étudient l’occitan ;
- les collectivités territoriales de ces régions sont celles qui aident le plus le Congrès et l'enseignement de l’occitan ;
- des responsables de ces régions étaient demandeurs d'un tel lexique ;
- il y avait urgence et il n'était pas possible, dans les délais donnés, de prendre en compte l'ensemble de la langue.
Nous commençons donc par un petit Basic, partiel et provisoire, pour deux grandes variantes, en attendant de pouvoir trouver, si l'expérience démontre l'intérêt de cette production, les moyens, les compétences et les collaborations indispensables pour élargir le projet vers l'Est et le Nord, à toute la langue. Baste siá !
Ce lexique ne se veut pas normatif, bien qu'il faille faire des choix. Le plus souvent le choix est assez évident, mais dans certains cas il est assez difficile et prend du temps. Le Basic est pour le moment un essai ouvert qui va être expérimenté par des professeurs et leurs élèves.
Un travail collectif
Je remercie la vingtaine de personnes qui ont participé à ce travail, de laboratoire d'une certaine façon, sans précédent, en commençant par Patrici Pojada et Maurici Romiu, membres du Conseil linguistique du Congrès qui, en plus de nous conseiller et de nous guider, ont contribué à nous former. Une mention spéciale également pour Domenge Château-Annaud pour le développement et le traitement des données, et pour Vincenç Rivière, co-auteur, pour sa participation à la conception et à la coordination du travail. Enfin à nouveau un grand merci à Maurici Romiu, vice-président du Conseil linguistique, qui a accepté la lourde responsabilité (pour ne pas dire le risque !) d'une longue et minutieuse relecture et correction.
Gilabèrt Mercadièr, président du Congrès permanent de la langue occitane